22 mai 2011

Affaire DSK : la connivence des puissants, le mépris des misérables



« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Ces mots de Jean de la Fontaine écrits au 17ème siècle trouvent un triste écho dans notre France contemporaine de ce début de 21ème siècle. Difficile d’admettre que rien ou peu a changé depuis la Révolution Française et la fin du système monarchique. Stephen Clarke le décrit très bien dans son article du New York Times daté du 17 mai dernier (et repris par Courrier International) : « La France est persuadée qu'elle a fait la révolution, alors qu’elle s’est juste donnée une nouvelle élite, encore plus puissante ». 

Cette réalité n’est pas nouvelle mais elle a éclaté au grand jour avec l’affaire DSK. Ce tintamarre médiatique a eu le mérite de faire ressortir tout ce qu’il y a de plus écœurant dans le système médiatico-politique français. Un niveau d’écœurement tel qu'aujourd’hui le système lui-même se trouve obligé de faire, chose extrêmement rare, son propre procès. L’histoire retiendra en tout cas que ce 15 mai 2011 aura été le 11 septembre de l’élite française, le jour où toutes les certitudes pratiques d'une certaine caste ont volé en éclat.

Au cours de cette longue semaine de feuilleton judiciaire, je m’étais pourtant juré que je n’allais pas écrire sur l’affaire DSK pour ne pas me retrouver à commenter une partie de Cluedo dont je ne connais absolument rien.

Mais j’ai tout de même une furieuse envie de m’exprimer sur la connivence de caste qui soudainement, à travers ce coup de tonnerre politique, est apparu comme une évidence aux yeux des Français... une connivence abjecte dont les protagonistes, aveuglés par leurs émotions et leurs amitiés, ont mis plusieurs jours à en réaliser le triste spectacle. C’est comme si pendant quelques jours on avait entrebâillé la porte du cercle des élites françaises et que toute la connivence de ces gens là avait été exposée (par inadvertance) à nos yeux de misérables. Heureusement, nos élites, réalisant qu’on les observait de nos chaumières provinciales, se sont reprises et ont doucement refermé la porte sur un mea-culpa poli.

Mais le mal était fait. Et aujourd’hui nous sommes nombreux à être dégoutés par cette connivence de caste que Jean de la Fontaine aurait sûrement eu à coeur de dénoncer s'il avait connu notre époque.

J’en veux tout d’abord à Dominique Strauss-Kahn d’avoir sali notre pays. Qu’il soit coupable ou non, ses frasques étalées en une de toute la presse internationale ont donné  une image désastreuse de la France, un pays où la classe politique agit en toute impunité à l’abri d’une élite médiatique qui la regarde agir avec amusement et bienveillance.

J’en veux au système judiciaire français d'être si complaisant avec nos dirigeants politiques. Qui peut croire une seule seconde que cette même affaire aurait donné lieu à des poursuites en France ? Le fameux « tout le monde savait ». Oui mais en France les puissants ont les moyens de faire pression sur les victimes. La dépendance des procureurs envers le pouvoir exécutif est également un frein important au juste traitement des affaires.

J’en veux à cette solidarité de caste qui s’est exprimée ces derniers jours. J’en veux à toutes ces élites, ces élus politiques, ces journalistes, ces éditorialistes, qui tout d’un coup ne comprenaient pas que l’un d'entre eux puisse être montré menotté puis envoyé en prison comme n’importe quel citoyen américain. Ils ont parlé de honte pour la dignité humaine. Honte à eux. La justice américaine a au moins le mérite de remettre les puissants à leur place, c'est à dire au niveau des misérables qu'on n'hésite pas à condamner à la moindre faute.

J’en veux à la gauche française d’avoir perdu la bataille de la morale sur cette affaire et de faire le jeu de la droite. Comment est-ce que le Parti Socialiste a-t-il pu trahir toutes ses valeurs pour protéger l’un des siens ? Comment a-t-il pu oublier les valeurs du féminisme et de l’égalité devant la loi ? Dans cette affaire, j’en veux aux ténors du PS d’avoir ignoré la victime présumée pour privilégier la connivence entre « camarades ». Le désormais célèbre « il n’y a pas mort d’homme » de Jack Lang est une honte pour notre pays. Seules quelques personnalités et associations se sont indignées et ont dénoncé un inconscient machiste dans notre société. J’ai envie de citer Osez le Féminisme et Laurianne Deniaud, présidente du MJS.

J’en veux aussi à François Hollande d’avoir étouffé l’affaire de Tristane Banon pendant huit années, bafouant lui aussi la cause des violences faites aux femmes et le devoir républicain et non négociable d’une même justice pour tous. Honte à lui et ses acolytes qui étaient au courant.

J’en veux à la presse et aux médias de rentrer dans le jeu de nos hommes politiques et de cacher les affaires, même les plus graves, sous couvert du respect de la vie privée. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une question de respect de la vie privée. Je crois que c’est une question de connivence, purement et simplement. Comment, par exemple, peut-on imaginer que la presse soit indépendante quand tous les derniers mercredis du mois, nos journalistes parisiens les plus influents se rendent aux diners du Siècle pour décider du sort de la France en compagnie des hommes politiques de premier plan ? A l'intérieur de ce club très fermé, on compte à gauche Hollande, Aubry, Jospin, Fabius et bien sûr DSK. Ségolène Royal et Arnaud Montebourg n'étant pas sur la liste des invités, on comprend alors mieux qu’ils soient les mal aimés de l’élite médiatique.

J’en veux d’ailleurs à cette élite médiatique de ne pas faire son travail. Au lieu de nous informer, elle nous abreuve de propagande politique. Elle a honteusement essayé de nous vendre le produit DSK - malgré ce qu'elle savait du personnage - et n’a pas perdu de temps depuis dimanche pour nous faire la publicité du produit Hollande. Ce n’est plus du reportage, c’est de la réclame. Il faut aujourd’hui aller pêcher l’info dans les blogs citoyens pour réussir à s’informer convenablement.

J’en veux finalement à la France d’être un pays si centralisée. Si toute la classe politique, médiatique et financière n’était pas concentrée dans une seule ville, on n’en serait sans doute pas là. Nous n’aurions pas ce microcosme parisien où quelques élites décident du sort de 65 millions de Français en comité restreint, en prenant garde de protéger ses intérêts. Combien de gens savent que DSK était soutenu par le groupe Lagardère, l’un des groupes de presse les plus puissants au monde ? Comment peut-on croire une seule seconde que ces puissances économiques ne jouent pas un rôle considérable dans la manipulation de l’opinion publique ?

En fait, depuis quelques décennies maintenant, la classe médiatico-politique française essaye de divertir le peuple qu'elle gouverne à travers un affrontement droite / gauche finalement bien artificiel qui ne sert qu’à dissimuler la triste réalité dont parlait Stephen Clarke : notre société s’est dotée d’une aristocratie moderne, plus difficile à identifier qu'autrefois mais toute aussi puissante. Elle se croyait intouchable, l’affaire DSK l’a ébranlée. Juste ébranlé. Mais elle continuera de souffler le chaud et le froid jusqu’à la prochaine présidentielle.

J'espère que nos élites françaises vont bientôt connaître un second 11 septembre politique. J'espère que Ségolène Royal qui a su garder une certaine indépendance vis-à-vis de ce microcosme parisien saura déjouer les pronostiques. La France a besoin de quelqu’un qui sera la porte parole du peuple, qui travaillera avec le peuple et qui gouvernera pour le peuple. Pas pour les amis d'une certaine caste. Elle est celle que l’élite française a d'ores et déjà choisi de déclarer hors-jeu. Cherchez l’erreur.

Très bon article d’Agoravox en complément.

30 avril 2011

Primaires socialistes version South Park

- MARTINE AUBRY -
Guardienne du Pacte de Marrakech
Bourreuse d'urnes en cas de match nul

- DOMINIQUE STRAUSS-KAHN -
Sauveur de l'humanité
Amoureux des petits fours

- SEGOLENE ROYAL -
Protectrice du peuple français
Pourfendeuse des sondages médiatico-mensongers

- FRANçOIS HOLLANDE -
Petit mangeur
Détenteur du brevet de chiraquisme

- ARNAUD MONTEBOURG -
Chevalier de la 6ème République
Poète anticapitaliste

- MANUEL VALLS -
Candidat au Ministère de l'Intérieur
Strauss-Kahnien s'il le faut

18 avril 2011

La machine médiatique a décidé de flinguer Royal


Le système médiatique est un monstre qui fabrique des icônes pour mieux les brûler sur la place publique.

Tel est le sort que les médias français semblent vouloir réserver à Ségolène Royal. L’acharnement dont font preuve les journalistes aujourd’hui pour saboter sa candidature aux primaires est curieusement proportionnelle à l’enthousiasme avec lequel ils l’avaient autrefois propulsée au sommet.

Les médias ne sont plus aujourd'hui un simple contre-pouvoir. Ils sont le quatrième pouvoir, peut-être le plus puissant. Ils jouent le rôle de chef d’orchestre, donnent le tempo de la vie politique et mettent en musique l’opinion, à coup de reportages bien choisis, d’articles assassins et de sondages orientés. Il serait malvenu cependant, dans le cas de Ségolène Royal, de cracher dans la soupe. Ce système, elle a su l’utiliser au moment le plus opportun. Il l'a portée au sommet de sa popularité en 2006.

Certains continuent pourtant de penser que les médias travaillent pour la droite. Je crois personnellement qu’il n’en est rien. Je crois que les médias, dans leur grande boboïtude parisienne, travaillent dans leur vaste majorité pour la gauche. Ils ont fait de Ségolène Royal leur star, leur idole, leur égérie à un moment où ils pensaient qu’elle représenterait la meilleure chance des progressistes en 2007. Les divisions du camp socialiste et la machine parfaitement huilée du camp sarkozyste ont malheureusement conduit la France sur un tout autre chemin, celui d’un pays qui a sombré dans les divisions sous la présidence extrêmement mal menée d’un Sarkozy décidément mal inspiré.

Mais pourquoi ce désamour des médias aujourd’hui avec Ségolène Royal ? La réponse est à mon avis cruelle. Je crois, c’est ma triste conviction, que tout est mis en œuvre pour la voir échouer parce que le système médiatique veut la victoire de la gauche en 2012. Et ce système médiatique a tout simplement décidé qu’il ne souhaitait pas prendre le risque d’une deuxième « aventure Royal ».

Alors, pour lui barrer la route, rien ne lui est épargné dans les médias. Pour commencer, des sondages totalement surréalistes sortent chaque semaine pour façonner le choix des électeurs. Après avoir martelé pendant des mois que Dominique Strauss-Kahn était le seul à pouvoir battre Nicolas Sarkozy en 2012, la côte sondagière du héros du FMI s’est évidemment envolée. Depuis quelques semaines, les médias s’amusent désormais à tester une variante qui consiste à dire que François Hollande est en fait tout aussi crédible que DSK. Aujourd’hui, les sondages les donnent au coude à coude. Est-ce l’opinion des Français qui fait les sondages ou bien les sondages qui font l’opinion des Français ? La ficelle est devenue tellement grosse aujourd’hui qu’elle en est ridicule.

S’il n’y avait que les sondages. Mais le système peut parfois devenir injuste, quand il n’est pas tout simplement mesquin. A ce titre, le Grand Journal de Canal Plus semble avoir pris la tête de la croisade anti-ségo à la télévision. Pas une émission ne se déroule sans que les chroniqueurs ne demandent à leurs invités si Ségolène Royal ferait une bonne présidente de la république. Une de ces petites questions rhétoriques qu’ils aiment balancer le sourire au coin, la condescendance en bandoulière.

Dans la presse et à la télévision, les analystes politiques se succèdent pour débattre du possible retrait de la candidate dans la course des primaires, possibilité jamais évoquée par la principale intéressée. Hier encore, les caméras du JT de France 2 suivaient Royal lors d’un déplacement (sans la presse normalement) sur un marché de sa région. Et la voix off d’expliquer que plus personne ne s’intéresse à elle, la preuve étant offerte aux yeux des téléspectateurs à travers la comparaison des images de ce déplacement discret avec celles de son arrivée à la dernière Université d’Eté de la Rochelle. Une malhonnêteté intellectuelle sans nom quand on sait qu’elle est à ce jour la seule à gauche capable de remplir des salles de militants venus en bus de toute la France pour la voir et l'écouter.

C’est là que l’histoire est savoureuse. Les médias, dans leur puissance complaisante et méprisante, sous-estiment aujourd’hui la montée du cinquième pouvoir, celui de l’opinion. Ce pouvoir est aujourd’hui porté par les réseaux sociaux qui fonctionnent comme des poches de résistance qui se tissent et s’organisent sur le net pour devenir le seul véritable contre-pouvoir aux médias classiques. En effet, ce pouvoir n’est à la botte de personne. Il se moque des puissances de l’argent. Il s’indigne quand le pouvoir en place est injuste. Il s’offusque quand les médias pratiquent la manipulation. Il se révolte quand certaines situations deviennent insupportables. Rien ne lui échappe. Il fait même tomber les dictatures. La prochaine course à l’Elysée ne se fera certainement pas sans lui. Ségolène Royal l’a bien compris. Elle est d’ailleurs la personnalité politique la plus favorablement tweetée du moment, dixit Métro et TF1. Loin des sondages que l’on achète.

Au moment où je rédige ce billet, la question n’est en fait même pas de savoir si Ségolène Royal est la mieux placée pour renverser Nicolas Sarkozy en 2012. La question est de savoir si les médias ont le droit de choisir pour 65 millions de Français qui sera leur prochain président de la république. Elle est également de savoir si le mensonge et la manipulation sont acceptables pour arriver à cette fin.

La justice et la liberté sont en tout cas deux grands principes que je ne cesserai jamais de vouloir défendre. Je pense que les médias doivent être justes dans leur traitement de l’information et les citoyens libres dans leur choix démocratique.

La machine médiatique a décidé de flinguer Ségolène Royal ? Eh bien je veux croire que le cinquième pouvoir, celui de l’opinion, va donner une leçon à la machine infernale. Henry de Montherlant a dit « On reconnaît l’homme libre à ce qu’il est attaqué simultanément ou successivement par les partis opposés ». Mon vote en octobre me placera,  je pense, du côté de l’indépendance et de la liberté.

3 avril 2011

Primaires a minima


Les cantonales passées, la grande machine des primaires socialistes est désormais prête à se mettre en branle. Il devrait s’agir d’un formidable évènement démocratique pour notre pays dans lequel tous les citoyens de sensibilité progressiste devraient pouvoir se retrouver pour désigner un candidat de gauche, fort d’une légitimité incontestée, capable d’aller affronter la droite en 2012. Mais comme le Parti Socialiste n’aime pas faire les choses en trop grand, la France ça n’est pas Hollywood non plus, on préfère parler ces derniers temps de « primaires a minima ». Pas de meeting national, ni de grand débat télévisé avant le premier tour, juste un « oral » (une succession de discours j’imagine) à l’occasion des Universités d’été de La Rochelle. Enfin, si les Français sont sages, ils auront peut-être droit à un débat télévisé entre les deux tours, si deuxième tour il y a.

Dommage donc que la gauche française ne fasse pas de ces primaires une formidable occasion de débattre et de mobiliser les électeurs en vue de 2012. Le débat idéologique peut être passionné entre les candidats et passionnant pour les citoyens sans que cela ne représente une entrave majeure au devoir d’union post-primaires. Il suffit pour cela d’un peu de discipline, un principe que les démocrates américains n’ont eu aucune difficulté à appliquer en 2008 avec Obama mais que les socialistes français semblent abhorrer. Ils détestent appliquer la discipline comme ils détestent parler de capitalisme. Ils l’ont prouvé en 2007 à travers leur soutien très timide, c'est le moins qu'on puisse dire, à Ségolène Royal.

Ces primaires a minima ont donc pour objectif (à peine masqué) de faciliter la tâche de Dominique Strauss-Kahn qui souhaite participer aux primaires à condition de ne pas les perdre. Il pense sans doute qu'il lui faut éviter un grand débat publique qui permettrait de mettre tous les candidats au même niveau. Il sait bien que les Français sont imprévisibles et ne se laisseront pas dicter leur choix par les médias. Ils l’ont prouvé en 2005 lors du référendum sur le traité constitutionnel européen. Dites aux Français qu’ils doivent voter « bleu », ils iront voter « rouge » ou « jaune ».

En attendant de pouvoir comparer, quand même, à la fin de l'été les propositions des différents candidats en course, je vous propose de retrouver ci-dessous la liste des candidats déclarés et potentiels et le degré de sympathie qu’ils m’inspirent. Je tiens à préciser qu'il s’agit du niveau zéro de la politique. Pas de réflexion, juste du ressenti.

Mon soutien : Ségolène Royal

A mon sens, elle réussit l’exploit de continuer à représenter l'espoir d'une donne politique nouvelle face aux éléphants du PS alors qu’elle est elle-même issue de leur génération. En se plaçant en marge de la machine socialiste et en développant le thème de la démocratie participative, sa marque de fabrique, elle prouve qu’il est possible de faire de la politique autrement. Sa force de caractère et sa détermination seront également des atouts formidables qu’il lui faudra mettre en avant. Enfin, sa campagne de terrain et ses nombreux déplacements à la rencontre des Français peuvent être une stratégie payante face à d’autres candidats totalement « solférinisés ».

Ma sympathie : François Hollande

Sa position est particulière. Il est à la fois le chouchou des journalistes parisiens (qui doivent sûrement avoir un intérêt à le faire monter dans les sondages mais je cherche encore lequel) et en même temps il est la risée de ses camarades qui le prennent guère (ou pas assez) au sérieux face à un DSK tout puissant. Je l’ai toujours trouvé un peu fade en tant que premier secrétaire du PS mais sa liberté de parole retrouvée a rendu ses prises de position plus intéressantes. Enfin, la clarté de sa démarche et son humour le rendent plutôt sympathique à mes yeux.

Mon hésitation : Dominique Strauss-Kahn

Avec lui, c’est un petit peu « En attendant Godot ». Les socialistes attendent le retour du « meilleur d'entre eux », un retour qui ne semble jamais arriver. Gardons à l’esprit que dans l’œuvre de Beckett, Godot n’arrive jamais. DSK c’est un petit peu le candidat qui a tout pour réussir mais auquel on a du mal à s’attacher. Directeur du FMI, il est réputé pour être un fin économiste et il jouit indéniablement d’une aura internationale. Les socialistes qui le dépeignent comme le diable le rendraient presque sympathique à mes yeux mais il conserve tout de même dans mon esprit cette image de bourgeois parisien qui mène une vie luxueuse dans les plus hautes sphères de la planète et que les médias ont décidé de nous imposer pour 2012. Pas très séduisant comme « success story ».

Ma déception : Manuel Valls

Alors que je pensais qu’il souhaitait se lancer dans la bataille des primaires de toutes ses forces, il apparait de plus en plus clairement que 2017 est en réalité son véritable objectif. Il aura suffi d’un passage de DSK à Paris au début de l’année pour qu’il émette l’idée qu’il pourrait se retirer en sa faveur. A ce moment, il est passé du statut de candidat farouchement déterminé à un simple « Moscovici ou Colomb de plus », c’est à dire une ambition pas franchement débordante conditionnée à la non candidature d’un autre camarade. Un peu décevant. Sur le terrain des idées, il reste très controversé à gauche mais je considère qu'essayer de bouleverser les codes dans son propre parti est une marque de courage et donc une qualité.

Ma méfiance : Martine Aubry

Elle est certes une excellente politicienne mais elle a ce côté « mère ronchon » qui lui colle à la peau. J’ai du mal à l’imaginer dans une campagne présidentielle, elle qui déteste les flashs des photographes. Il est certain qu’après le calamiteux « épisode Sarkozy » elle bouleverserait le style présidentiel mais son côté « Merkel de gauche » ne me séduit pas forcément. Et puis difficile de faire pleinement confiance à quelqu’un qui a triché pour s’emparer du deuxième parti politique de France... le Congrès de Reims a eu un effet dévastateur sur son image. Je pars du principe qu'on est attaché à la démocratie ou on ne l’est pas.

Mon absence d’opinion : Montebourg

Le personnage m’est plutôt sympathique. Il est beau-parleur et charismatique. Il rêve d’une campagne Obama-esque où il partirait de tout en bas pour arriver tout en haut en s’appuyant sur un solide réseau de militants et d’internautes. Son positionnement me semble trop à gauche pour l’instant pour prendre dans l’opinion mais avec un discours bien ficelé et la carte du renouvellement politique intelligemment mise en avant, il est un sérieux concurrent pour Manuel Valls. En 2012, comme en 2017. 

24 janvier 2011

Mariage gay, la France distancée


« C’est à la manière dont une majorité traite ses minorités que l’on juge le degré de civilisation d’une société ».

C’est cette phrase très belle et très sage de Gandhi que Maître Caroline Mecary, avocate et représentante de SOS Homophobie, a rappelé au Conseil Constitutionnel, le 18 janvier dernier, alors qu’elle plaidait pour l’ouverture du mariage aux couples homosexuels en France. Cette séance faisait suite à la saisine de l’instance par un couple de femmes, vivant ensemble depuis 14 ans et mères de quatre enfants, qui désire se marier.

Il y a peu de chance que cette procédure aboutisse dans l’immédiat à un changement historique du code civil français. Le 28 janvier prochain, les « sages » décideront probablement de renvoyer la balle au Parlement et de remettre cette question entre les mains du Législateur. Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, a déjà affirmé par ailleurs qu'il ne revient pas à cette instance « de réécrire la loi » ni de « faire des choix de société ». Son rôle consiste en effet à se prononcer sur la conformité des lois à la constitution française et, contrairement à la Cour Suprême fédérale des États-Unis qui intervient en dernier recours sur de nombreuses batailles juridiques, le Conseil Constitutionnel français ne se situe au sommet d'aucune hiérarchie de tribunaux.

Mais cette saisine a tout de même le mérite de replacer le mariage gay au cœur du débat politique français. Beaucoup l’ont signalé ces derniers jours, il est tout de même inquiétant que la France, autoproclamée « pays des droits de l’homme », soit aussi en retard sur le sujet. Le mariage homosexuel est aujourd’hui pratiqué en Belgique, en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande, en Islande, au Canada, en Argentine et en Afrique du Sud. Six Etats américains reconnaissent également le mariage gay. Certains l’ont légalisé à travers un processus législatif classique, bien que long et tortueux. En 2009, les Etats de Nouvelle Angleterre ont justement été le théâtre d’une surprenante vague de légalisations, au terme de batailles politiques parfois intenses et souvent serrées. Dans l’Iowa, la même année, c’est la Court Suprême de l’Etat qui a jugé que l’interdiction du mariage homosexuel était contraire à l’esprit de la constitution américaine et que ça n’était pas le rôle du gouvernement de s’interposer dans les affaires privés de ses citoyens.

Le Conseil Constitutionnel français, qui apriori refuse de se prononcer sur des sujets de société, ferait pourtant bien de s’inspirer de cet exemple américain. Dans le cas de la France, le problème est peut-être la Constitution elle-même. L’article 1er dit assurer « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » mais il omet de rajouter « sans distinction d’orientation sexuelle » alors qu’il s’agit visiblement d’une cause récurrente de discrimination dans notre société.

Aujourd’hui, dans le cadre de notre république laïque, donc détachée de tout précepte religieux, il n’existe plus aucun argument objectif qui permette de justifier l’application d’une telle discrimination dans l’accès au mariage civil. Tout le monde sent bien - et les enquêtes d’opinion le montrent - que c’est là le sens de l’histoire. Refuser un droit à une minorité de citoyens, c’est laisser entendre que cette catégorie de la population est inférieure. C’est faire de ces personnes des citoyens de second rang. Il en va quelque part de la dignité humaine. Tous les hommes et toutes les femmes de ce pays ont le droit fondamental d’être considérés égaux devant la loi et de se sentir respectés.

Certains répondront qu’il y a déjà le Pacs et que c’est bien assez. Cet argument ne tient pas quand on sait que le Pacs n’offre pas les mêmes garanties que le mariage civil en termes de filiation. Ce « détail » peut conduire à des situations absurdes, voire à des drames familiaux inacceptables. Les enfants de ces familles homoparentales sont en effet moins bien protégés que les autres puisqu’ils n’ont juridiquement qu’un seul parent qui est reconnu.

La question de l’adoption par les couples homosexuels est justement l’épouvantail habituellement agité par les conservateurs. Ce débat, beaucoup plus complexe et intéressant que celui du mariage gay, mérite réflexion mais se révèle au final assez hypocrite puisqu’on sait que de nombreuses familles vivent déjà cette situation homoparentale au quotidien sans que l’équilibre social et sociétal du pays soit dangereusement ébranlé.

Enfin, l’ultime argument des réactionnaires, qui décidément essayent de gagner du temps, est celui de la hiérarchisation des priorités. Le mariage homosexuel ne serait pas une urgence et il faudrait d’abord s’occuper de la question du chômage. Comme si un gouvernement réparti en plusieurs ministères ne pouvait mener de front des réformes économiques et sociétales.

La France, qui se targue d’avoir incarné la Philosophie des Lumières et proclamé la Déclaration des Droits de l’Homme, devrait rougir de s’être laissée distancer de la sorte par les autres pays démocratiques sur le terrain des droits civiques. Il est à présent temps que notre pays se ressaisisse et qu’il revienne aux fondamentaux qu’il n’aurait jamais dû oubliés : les libertés individuelles et l’égalité de tous les citoyens devant l’Etat. C’est le minimum que l’on puisse attendre d’un Etat démocratique et moderne digne de ce nom.

21 janvier 2011

L'Université doit revoir sa copie


Le chômage des 15-24 ans frôle en ce début d’année les 25% et atteint même 43% dans les banlieues selon le nouveau rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Ces chiffres alarmants sont certes la conséquence d’une longue période de crise économique mondiale - l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) estime que 21% des jeunes européens sont au chômage – mais cette situation est également le résultat d’une politique de la formation et de l’emploi qui n’est plus adaptée aux besoins réels du pays. Les études supérieures, telles qu’elles s’organisent aujourd’hui en France, ne permettent pas une insertion efficace des étudiants sur le marché du travail. Elles laissent des milliers de jeunes diplômés désemparés lorsqu’au terme de longues études la société ne leur donne pas la possibilité, à travers un emploi, de mettre à profit les connaissances et les compétences qu’ils ont acquises. Ces jeunes ont souvent le sentiment d’avoir été trompés et de ne pas pouvoir récolter les fruits de leur investissement.

C’est donc un nouveau modèle de société qu’il faut à présent imaginer. Il faut que se multiplient les passerelles entre l’université et le marché de l’emploi et que les jeunes diplômés puissent devenir plus rapidement les jeunes « actifs en activité » dont la France a besoin. Mais il faut pour cela que le système universitaire français s’efforce à mieux orienter ses étudiants.

A titre d’exemple, on peut citer une réforme gouvernementale récente qui va justement à l’encontre du bon sens : la décision de mastériser le recrutement des enseignants. Avant 2010, les futurs professeurs entraient en IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres) à bac + 3 après un concours. La réforme voulue par Nicolas Sarkozy repousse le passage de ce concours à la deuxième année de Master. Cela signifie que les jeunes qui souhaitent consacrer leur vie à l’enseignement vont devoir s’engager dans des études généralistes qui dureront cinq ans avant de passer la fameuse épreuve qui leur indiquera s’ils sont admis au concours. Certains se présenteront et échoueront deux ou trois fois avant de se décourager et de réaliser qu’ils se retrouvent titulaires d’un Master qui ne leur permettra pas d’exercer le métier auquel il se préparait depuis cinq ans.

Nombreuses à la fac sont les filières dites « embouteillées » ou « engorgées », ces filières qui attirent un grand nombre d’étudiants en première année et dont le caractère sélectif se durcie au fil des années, laissant de côté un grand nombre d’étudiants en chemin. C’est le cas par exemple de la filière « psychologie » qui fonctionne tel un entonnoir. Les étudiants s’y ruent par milliers en première année. A peine la moitié arrive en Master 1 et le passage en Master 2, hyper sélectif, relève de l’exploit. Plus grave encore, les psychologues diplômés arrivent généralement en trop grand nombre sur un marché du travail saturé. Ce système produit automatiquement des parcours universitaires que l’on pourrait qualifier de « précaires » puisqu’il entraîne les étudiants dans des études longues qui ne garantissent pas l’obtention d’un diplôme et encore moins de véritables débouchés professionnels.

On pourrait alors se demander s’il ne serait pas préférable de remettre les choses à l’endroit en renversant ce système de l’entonnoir afin que le nombre d’étudiants que l’université forme soit en meilleure adéquation avec les besoins réels du marché du travail. Lors de sa convention pour l’égalité réelle, le Parti Socialiste a proposé de faire des premières années d’étude à la fac des années plus « généralistes ». Pourquoi ne pas utiliser la première année par exemple comme une période de transition, sur le modèle de la première année de médecine, pour préparer les concours de son choix (psychologie, sociologie, sciences de l’éducation, etc.) et n’accueillir ensuite que le nombre d’étudiants dont on est sûr que la société peut leur garantir un avenir professionnel ? Ce système n’est bien sûr pas généralisable à toutes les filières mais permettrait quand même de sécuriser un certain nombre de parcours et de mettre un terme à un grand gâchis de temps, d’argent et d’énergie.

Lors de son passage à Lyon en octobre, dans le cadre de la conférence-débat « Quel pacte pour la jeunesse ? », Ségolène Royal a fait quelques propositions intéressantes qui sont autant de pistes nouvelles à explorer pour une meilleure insertion des jeunes diplômés dans la vie active. La professionnalisation des parcours est au cœur de cette nouvelle stratégie. Il faut par exemple inciter les entreprises à s’ouvrir davantage aux jeunes. L’ensemble du tissu économique doit être mobilisé pour développer l’apprentissage et aider les jeunes apprentis à trouver plus facilement une place. A l’image de ce qui se fait en Allemagne, la formation en alternance doit également être généralisée afin que les étudiants aient un pied dans le monde du travail. Enfin, il faut mettre à la disposition des jeunes, de toutes conditions sociales sans distinction de classes, des « bourses tremplin » qui leur permettent de monter plus facilement leur propre entreprise.

Il est important que l’Etat français fasse confiance à la jeunesse et lui donne toutes les chances de réussir. Il ne s’agit pas d’instaurer une société de l’assistanat mais de développer un accompagnement qui soit un cadre « donnant-donnant » et « gagnant-gagnant ». Ce pacte pour la jeunesse, parce que pacte il doit y avoir, n’est en fait pas un pacte « pour » elle mais un pacte « avec » elle.

Il y aurait bien sûr beaucoup plus à dire sur les études et l’emploi en France mais ces thèmes seront, espérons-le, un axe central des primaires socialistes cette année et de la campagne présidentielle l’année prochaine. Le gouvernement actuel, malgré une réforme en demi-teinte sur l’autonomie des universités, ne semble pas avoir pris la mesure de l’urgence d’une grande réforme universitaire juste, innovante et efficace. Ce grand chantier est donc repoussé à 2012.

Espérons en tout cas que notre pays saura sauvegarder - et améliorer peut-être - notre grand modèle républicain, celui de l’école pour tous et de l’égalité des chances. Il est impératif que tous les jeunes qui souhaitent étudier ou entreprendre puissent le faire dans des conditions décentes, quelles que soient leurs origines sociales et géographiques. Quand l’Etat faillit à ce devoir, le sentiment d’injustice et de révolte peut être violent. C’est ce qui vient de se passer au printemps en Grande-Bretagne après l’annonce par le gouvernement du triplement des frais d’inscription à l’Université. Ces frais outre-Manche pourraient passer à 10.000 euros et marginaliser toute une classe sociale pour qui étudier deviendra, comme aux Etats-Unis, un luxe ou une source d’endettement.

George Danton, figure à la fois polémique et emblématique de la révolution française, avait déjà prédit en son temps : « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple ». Tâchons aujourd’hui de satisfaire ce besoin en créant un système plus efficace et plus juste.

15 décembre 2010

Ascenseur social en panne !


Une douce utopie. Voilà ce qu’est pour l’instant l’égalité des chances dans notre pays.

Les mécanismes de la société française sont assez simples : un jeune blanc né dans une famille bourgeoise à Neuilly-sur-Seine a vingt fois plus de chances de mener une brillante carrière qu’un jeune d'origine maghrébine né dans une famille modeste en banlieue Lyonnaise.

Le problème est souvent moins lié aux origines ethniques ou culturelles qu’aux origines sociales ou géographiques. Un jeune arabo-musulman issu d’une famille aisée vivant à Paris aura logiquement plus de facilité à percer dans le monde du travail qu’un jeune blanc catholique issu d’une famille d’ouvriers pauvres en zone rurale. Pourquoi ? Parce qu’en France la réussite d’un jeune est principalement conditionnée par le milieu social où il a grandi, par les professions qu’exercent ses parents ainsi que leur capacité à solliciter leurs propres réseaux au moment où leur progéniture décide de s’insérer sur le marché du travail.

Fatalement, une grande partie de ces réseaux influents se concentre dans les centres villes des agglomérations importantes, là où évoluent, dans des cercles assez fermés, les classes supérieures et le haut des classes moyennes. Ces familles, rarement issues de la « diversité », essayent de maintenir leurs enfants à un niveau de vie au moins égal au leur. Elles les poussent donc à devenir ingénieurs, médecins, avocats, professeurs ou cadres. Les plus chanceux ont parfois la possibilité de monter leur propre entreprise avec les économies familiales.

A l’écart de ces cercles privilégiés, on trouve les autres catégories sociales, majoritaires malgré tout. Les classes moyennes inférieures poussent leurs enfants à faire des études, parfois coûteuses, mais n’ont pas toujours les réseaux nécessaires pour les aider à s’insérer professionnellement. Les classes populaires ont, quant à elles, souvent du mal à conduire leurs enfants jusqu’aux études supérieures.

Les classes sociales françaises se reproduisent donc entre elles, commes des castes, éternellement. Les riches essayent de rester riches et les pauvres ont bien du mal à ne pas rester pauvres. Il existe en effet peu de dynamiques transversales qui permettraient de créer des passerelles entre ces différents milieux sociaux pour voir émerger une certaine mixité sociale et par la même occasion une certaine mixité ethnique, les deux étant étroitement liés. Même l’université publique gratuite n’est plus qu’une illusion puisqu’elle conduit aujourd’hui les jeunes vers un chômage de masse. C’est toute une génération qui voulait croire en l’ascenseur social républicain qui se retrouve désenchantée.

Comment, dans ce contexte, sortir de ce cercle vicieux ? Comment, dans un pays où l’influence des réseaux est plus importante que la notion seule de mérite, garantir à tous les jeunes les mêmes chances de s’en sortir ?

Le sociologue Eric Keslassy et l’élue socialiste lyonnaise Najat Vallaud-Belkacem ont tenté de répondre à ces questions à travers un essai intitulé « Pluralité visible et égalité des opportunités » qu’ils viennent de rendre publique et qui est actuellement en téléchargement libre. Ce texte offre une analyse de la situation actuelle, analyse que je trouve très juste à titre personnel, et esquisse quelques solutions. Ces solutions, principalement tournées vers les difficultés rencontrées par les "minorités visibles", ne m’ont pas forcément paru révolutionnaires mais elles constituent une ébauche de pistes intéressantes à explorer.

Parmi elles, on peut noter la proposition d'affecter différement les professeurs afin que ceux "envoyés en ZEP ne soient plus les jeunes fonctionnaires qu'on envoit faire leurs classes". Le rapport propose également de "réaffirmer le rôle social des établissement scolaires en direction des familles en développant les aides scolaires". "Améliorer le rôle des conseillers d'orientation" qui doivent informer des différents parcours le plus tôt possible pour limiter les discriminations sociales. Instaurer un "repérage dès la seconde des élèves à potentiel dans les établissements prioritaires" en les aidant à intégrer une grande école. "Associer davantage les syndicats aux politiques de lutte contre les discriminations". "Conditionner un certain volume d’emplois aidés au recrutement dans les quartiers défavorisés". "Réformer les processus de désignation des candidats aux élections législatives pour donner une nouvelle vigueur à l’engagement politique des minorités visibles".

Ces quelques solutions peuvent sembler « cosmétiques » ou « chirurgicales » si l’on part du principe qu’elles ne permettront jamais bien sûr de créer une « égalité des chances absolue » au sein de la société français mais elles sont le témoignage d’une prise de conscience nécessaire qui doit maintenant être accompagnée de mesures volontaristes de la part des pouvoirs publics. D’ailleurs, de nombreuses associations et initiatives citoyennes œuvrent déjà à sortir nos quartiers populaires de la ghettoïsation.

Il est en tout cas certain que la question des banlieues sera au cœur de la prochaine bataille présidentielle. L’ascenseur social est bel et bien en panne dans notre pays et cela ne sert plus à rien d’appuyer frénétiquement sur la flèche du haut sans que rien ne se passe. Il faut impérativement qu'un vaste mouvement citoyen et républicain vienne réparer la machine.

4 décembre 2010

Ségolène Royal n’a pas dit son dernier mot


« La folle du Poitou est de retour ». « La Madone des marais Poitevin », « la poupée Barbie », « la Miss Boulettes », « la cruche », « la pauvre fille », « la nulle »… il n’aura fallu que quelques minutes aux internautes du Figaro pour moquer lundi dernier, en des termes parfois violents et misogynes, l’annonce de candidature de Ségolène Royal aux primaires socialistes. Les commentaires narquois et dédaigneux étaient au rendez-vous, tel un rouleau compresseur, pour railler cette annonce d’une grande « ridiculitude » à en croire certains.

Les divers commentateurs politiques ont pourtant accueilli cette annonce, qui était prévisible certes, avec une certaine dose d’admiration pour cette femme politique qui depuis 2005 ne cesse de prendre tout le monde par surprise.

Olivier Schmitt, dans un article pour le Monde, Ségolène Royal passe à l’offensive, estime par exemple qu’elle a une revanche à prendre sur la Présidentielle de 2007 et le Congrès de Reims de 2008. Elle possède encore aujourd’hui quelques atouts : « le premier est son envie, qui n’a jamais faibli, de mener la “bataille des batailles” pour laquelle elle ne s’est jamais sentie aussi prête ».

Ana Cabana, journaliste pour le Point, explique quant à elle, dans un article titré Ségolène Royal sous le coup du mépris, qu’on « assiste à un concert de réactions ironiques, ils lui refont tous le coup du mépris ». Pire, la droite se réjouit. Elle serait la candidate la plus facilement « battable » pour Nicolas Sarkozy. Même au sein des rangs du PS, on se gausse gentiment. Et la journaliste de continuer : « On peut tout dire de Royal : qu'elle est incontrôlable, imprévisible, insupportable, […] mais on ne doit pas oublier une chose : elle n'est pas une candidate parmi tant d'autres. Elle a une histoire avec les Françaises et les Français. […] La magie Royal est finie, bien sûr, mais il y a une chose qu'on ne peut pas lui enlever : elle ne s'économise pas, c'est une battante, elle prend des risques ».

Un panel de commentateurs politiques sur France 24 revenait également sur son coup d’éclat dans une émission intitulée Le coup de poker Royal. Chacun a bien sûr émis des réserves sur ses véritables chances dans la course à l’Elysée mais tous ont reconnu, avec une certaine admiration sa combativité, sa force de conviction et, surtout, son envie d’y aller et d’en démordre. Christine Clerc rappelle alors une phrase de Nicolas Sarkozy : ‎« La victoire va à ceux qui le veulent le plus ». Elle enchaîne : « Royal a une volonté incroyable ». Et de voir en elle « le reflet inversé de Nicolas Sarkozy ».

France Info n’a pas non plus modéré ses éloges dans son Duel du weekend diffusé ce matin. Alain Genestar admet qu’elle était « un peu la dinde de la farce dans cette histoire de pacte » qui la marginalisait à côté d’Aubry et de DSK. Il ajoute alors « elle est remarquable, exceptionnelle, elle a un vrai sens du tempo que n’ont pas ses camarade ». François Bonnet de Médiapart enfonce le clou et considère que « le PS est historiquement malade de ses relations avec les institutions de la 5ème République. Il y a une personne au PS qui n’a aucun problème avec elles, c’est Ségolène Royal qui les a toujours assumées. Elle assume ce présidentialisme à la française. »

Enfin, une interview très intéressante dans le Nouvel Observateur : le publicitaire François Belley, auteur de l’essai « Ségolène, la femme marque », décrit la stratégie de la présidente de région. Il explique qu’elle a « toujours été différente parce qu'elle a compris que pour exister politiquement, il faut exister médiatiquement. […] La différence de Ségolène Royal avec ses concurrents, c'est qu'elle est, sur le marché politique français, la seule marque forte identifiable. [..] Elle dépasse le PS, elle n'a pas besoin de l'étiquette du parti pour séduire. La seule référence à son nom suffit pour adhérer ou non ». Il estime cependant que maintenant « la marque Ségolène a besoin de contenu ».

Du contenu. Voilà ce dont aura besoin Ségolène Royal pour remporter, dans un premier temps, les primaires et ensuite les présidentielles. Du contenu elle peut cependant en avoir puisqu’elle aime elle-même à rappeler que sa région est son laboratoire d’idées et que ses réussites locales sont transposables à l’échelle nationale. Elle conserve cependant un fort déficit de crédibilité dans l’opinion, particulièrement auprès des électeurs du centre et de la droite, un retard qu’elle va devoir rattraper si elle souhaite doubler DSK, Hollande et les autres dans la course à l’investiture socialiste et convaincre de ses chances dans un second tour présidentiel.

Mais elle possède tout de même certains atouts que personne ne peut lui enlever : cette immense envie d’y aller, cette détermination sans faille d'en découdre avec le camp d'en face, cette intuition politique et son sens du coup médiatique, ce lien avec le peuple et les quartiers populaires, cette main tendue à la fois vers le centre et l’extrême gauche.

Elle sait que peu miseront sur elle en 2011. Mais elle sait également qu’en politique rien n’est jamais joué d’avance et le destin sourit à ceux qui persévèrent. Une chose est sûre : elle est habitée par ce désir ardent, presque gaulliste, de satisfaire un destin présidentiel.

Ségolène Royal n’a pas dit son dernier mot.

28 octobre 2010

Déchéance de la nationalité : la République bafouée !


Le mardi 12 octobre, le Parlement a adopté, par 294 voix contre 239, le projet de loi sur l'immigration qui met en oeuvre l'extension de la déchéance de nationalité réclamée par le président Nicolas Sarkozy. Cette mesure était auparavant réservée à des actes de terrorisme. Elle pourra désormais s'appliquer à un Français naturalisé depuis moins de dix ans et condamné pour le meurtre d'un policier, gendarme ou pompier.

Voici un projet de loi dont la proposition m’avait révolté au milieu de l’été et qui a été adopté par le Parlement dans la plus grande discrétion, noyé par l’amplitude du mouvement contre la réforme des retraites. C’est bien dommage, parce que cette loi méritait tout autant que l’on porte la contestation dans la rue pour exiger un « sursaut républicain ». Ce mini-sursaut a bien eu lieu le 4 septembre 2010, lorsque les ONG antiracistes françaises ont appelé les Français à manifester contre la mise en place de politiques dites « xénophobes » ou tendant à la xénophobie au sommet de l’Etat. Malheureusement, cette première manifestation n’a pas été suivie par d’autres mouvements de protestation. Les Français sont sans doute, et on peut le comprendre, plus attachés aux acquis sociaux qu’aux valeurs républicaines, les valeurs mêmes qui ont pourtant fait la grandeur de notre pays par le passé.

Les commentateurs et adversaires politiques ont rappelé à de nombreuses reprises, et à raison, que ce projet de loi était anticonstitutionnel. Voici ce que dit le 1er article de la Constitution de la République Française (du 4 octobre 1958) :

« [La France] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » 

Comment, dans ce contexte, peut-on accepter l'adoption d'une loi qui va à l’encontre des valeurs fondamentales de notre pacte républicain ? Distinguer les Français « de souche ou de longue date» et les Français « naturalisés depuis moins de dix ans », c’est créer deux catégories de citoyens. Les Français d’origine immigrée deviennent des citoyens de seconde zone. On ne leur assure pas l’égalité devant la loi en raison de leur origine. Cette distinction est tout simplement inacceptable. Une fois que l’on a traversé l’enfer administratif qu’est l’obtention de la nationalité française, on doit être soumis aux mêmes droits et devoirs. Comment exiger des nouveaux Français les mêmes devoirs si on leur refuse certains droits, l'égalité devant la loi étant un droit fondamental ?

Il y a bien sûr des sanctions très lourdes qui sont déjà prévues dans le cadre de la loi pour tout individu qui atteindrait à la vie d’un agent de l’Etat, mais ces peines doivent s’appliquer à tous les citoyens français, sans distinction d’origine.

Enfin, pour finir, ajoutons que l’argument de la droite qui consiste à dire que cette loi aurait une valeur dissuasive est totalement erroné. Tout le monde sait que le meurtre d’un agent de l’Etat, de surplus commis par un Français naturalisé depuis moins de dix ans, est un fait extrêmement rare et que cette loi ne s’appliquera que dans certaines circonstances exceptionnelles. Il est évident que l'extension de la déchéance de nationalité ne règle en rien le problème de l'insécurité. Il s'agit de "maquillage politique".

Cette loi n’est pas non plus sans paradoxes. Pourquoi n’inclure que le meurtre d’agents de l’Etat quand le crime d’un enfant ou de n’importe quel autre individu peut être considéré tout aussi grave ?

Il s’agit donc d’une loi ouvertement anticonstitutionnelle, tristement inefficace et paradoxalement mal équilibrée.

20 octobre 2010

Lyon et le tourbillon de la violence


Ce qui se passe à Lyon en ce moment serait tout simplement surréaliste si ces images de guérilla urbaine ne nous ramenaient pas au triste épisode, déjà connu, des émeutes de 2005. Le désolant constat que l’on peut faire c’est que malheureusement rien n’a changé et la politique du karcher a bel et bien échoué. Il ne suffit d’un rien pour que la France s’embrase. Un fait divers, une opération policière, même une réforme.

Ce contexte explosif est en train de précipiter la France toute entière dans un tourbillon de colère, de frustration et de paranoïa.

Les conservateurs sont remontés comme jamais contre cette France gauchiste et anarchiste qui bloque le pays, empêche les gens de travailler et casse. Il est bien sûr injuste de dire que ce sont les syndicats et les partis de gauche qui sont responsables des actes de violence, tant les origines de ces mouvances sont difficiles à identifier. Il s’agit bien souvent de délinquants extérieurs aux manifestations et étrangers à leurs revendications qui profitent du moindre mécontentement social pour faire de la casse. Tristement, ces violences isolées, bien que parfois spectaculaires, encouragent la France de droite à se droitiser, pour ne pas dire à se lepéniser, sous le coup de l’émotion et de la colère.

De son côté, la population de gauche crie au complot. Elle a bien compris que ces incidents en marge des manifestations étaient en train de brouiller son  message et elle craint que l’opinion se retourne. Une certaine paranoïa se met alors en place avec la conviction chez certains que ces violences sont causées par la police elle-même, encagoulée, qui aurait intérêt à laisser le mouvement dégénérer pour des raisons politiques évidentes. Je pense qu’avec un peu de bon sens, il est plus sage d’écarter cette idée. S’il est possible que certains CRS, par conviction personnelle et stratégie politique, acceptent de laisser s’envenimer un conflit -cela peut sans doute arriver- n’accusons pas pour autant nos forces de l’ordre d’être les fauteurs de trouble déguisés. Toujours est-il que la France de gauche est exaspérée par ce gouvernement qui ne l’entend pas et c’est cet éternel sentiment de lutte des classes, sentiment bien français, qui anime les manifestants dans un jusqu’au-boutisme dont les limites sont difficiles à cerner.

Voilà où en est notre pays, coincé entre une gauche révolutionnaire qui s’anarchise et une droite dure qui risque de se lepéniser. Les Français feraient bien de se retrouver au milieu… mais l’ombre de 1789 ne cesse de nous hanter.