4 décembre 2010

Ségolène Royal n’a pas dit son dernier mot


« La folle du Poitou est de retour ». « La Madone des marais Poitevin », « la poupée Barbie », « la Miss Boulettes », « la cruche », « la pauvre fille », « la nulle »… il n’aura fallu que quelques minutes aux internautes du Figaro pour moquer lundi dernier, en des termes parfois violents et misogynes, l’annonce de candidature de Ségolène Royal aux primaires socialistes. Les commentaires narquois et dédaigneux étaient au rendez-vous, tel un rouleau compresseur, pour railler cette annonce d’une grande « ridiculitude » à en croire certains.

Les divers commentateurs politiques ont pourtant accueilli cette annonce, qui était prévisible certes, avec une certaine dose d’admiration pour cette femme politique qui depuis 2005 ne cesse de prendre tout le monde par surprise.

Olivier Schmitt, dans un article pour le Monde, Ségolène Royal passe à l’offensive, estime par exemple qu’elle a une revanche à prendre sur la Présidentielle de 2007 et le Congrès de Reims de 2008. Elle possède encore aujourd’hui quelques atouts : « le premier est son envie, qui n’a jamais faibli, de mener la “bataille des batailles” pour laquelle elle ne s’est jamais sentie aussi prête ».

Ana Cabana, journaliste pour le Point, explique quant à elle, dans un article titré Ségolène Royal sous le coup du mépris, qu’on « assiste à un concert de réactions ironiques, ils lui refont tous le coup du mépris ». Pire, la droite se réjouit. Elle serait la candidate la plus facilement « battable » pour Nicolas Sarkozy. Même au sein des rangs du PS, on se gausse gentiment. Et la journaliste de continuer : « On peut tout dire de Royal : qu'elle est incontrôlable, imprévisible, insupportable, […] mais on ne doit pas oublier une chose : elle n'est pas une candidate parmi tant d'autres. Elle a une histoire avec les Françaises et les Français. […] La magie Royal est finie, bien sûr, mais il y a une chose qu'on ne peut pas lui enlever : elle ne s'économise pas, c'est une battante, elle prend des risques ».

Un panel de commentateurs politiques sur France 24 revenait également sur son coup d’éclat dans une émission intitulée Le coup de poker Royal. Chacun a bien sûr émis des réserves sur ses véritables chances dans la course à l’Elysée mais tous ont reconnu, avec une certaine admiration sa combativité, sa force de conviction et, surtout, son envie d’y aller et d’en démordre. Christine Clerc rappelle alors une phrase de Nicolas Sarkozy : ‎« La victoire va à ceux qui le veulent le plus ». Elle enchaîne : « Royal a une volonté incroyable ». Et de voir en elle « le reflet inversé de Nicolas Sarkozy ».

France Info n’a pas non plus modéré ses éloges dans son Duel du weekend diffusé ce matin. Alain Genestar admet qu’elle était « un peu la dinde de la farce dans cette histoire de pacte » qui la marginalisait à côté d’Aubry et de DSK. Il ajoute alors « elle est remarquable, exceptionnelle, elle a un vrai sens du tempo que n’ont pas ses camarade ». François Bonnet de Médiapart enfonce le clou et considère que « le PS est historiquement malade de ses relations avec les institutions de la 5ème République. Il y a une personne au PS qui n’a aucun problème avec elles, c’est Ségolène Royal qui les a toujours assumées. Elle assume ce présidentialisme à la française. »

Enfin, une interview très intéressante dans le Nouvel Observateur : le publicitaire François Belley, auteur de l’essai « Ségolène, la femme marque », décrit la stratégie de la présidente de région. Il explique qu’elle a « toujours été différente parce qu'elle a compris que pour exister politiquement, il faut exister médiatiquement. […] La différence de Ségolène Royal avec ses concurrents, c'est qu'elle est, sur le marché politique français, la seule marque forte identifiable. [..] Elle dépasse le PS, elle n'a pas besoin de l'étiquette du parti pour séduire. La seule référence à son nom suffit pour adhérer ou non ». Il estime cependant que maintenant « la marque Ségolène a besoin de contenu ».

Du contenu. Voilà ce dont aura besoin Ségolène Royal pour remporter, dans un premier temps, les primaires et ensuite les présidentielles. Du contenu elle peut cependant en avoir puisqu’elle aime elle-même à rappeler que sa région est son laboratoire d’idées et que ses réussites locales sont transposables à l’échelle nationale. Elle conserve cependant un fort déficit de crédibilité dans l’opinion, particulièrement auprès des électeurs du centre et de la droite, un retard qu’elle va devoir rattraper si elle souhaite doubler DSK, Hollande et les autres dans la course à l’investiture socialiste et convaincre de ses chances dans un second tour présidentiel.

Mais elle possède tout de même certains atouts que personne ne peut lui enlever : cette immense envie d’y aller, cette détermination sans faille d'en découdre avec le camp d'en face, cette intuition politique et son sens du coup médiatique, ce lien avec le peuple et les quartiers populaires, cette main tendue à la fois vers le centre et l’extrême gauche.

Elle sait que peu miseront sur elle en 2011. Mais elle sait également qu’en politique rien n’est jamais joué d’avance et le destin sourit à ceux qui persévèrent. Une chose est sûre : elle est habitée par ce désir ardent, presque gaulliste, de satisfaire un destin présidentiel.

Ségolène Royal n’a pas dit son dernier mot.

9 commentaires:

  1. Merci pour cette mise au point, je n'avais pas entendu toutes ces réactions des médias. J'ajouterais juste que "du contenu" elle en a, chacun de ses discours exprime sa vision de la France, du Monde et présente des propositions. Nous avons à diffuser sans cesse ce contenu qui sera formalisé par des propositions concrètes et claires dans un projet pour la France. La seule barrière est que les médias aiment plus la polémique que les idées. J'ai entendu qu'on ne pouvait pas faire de procès en incompétence à Hollande (jamais ministre) sous-entendu qu'à Ségolène on pouvait, alors qu'en 2006, c'était un faux procès en incompétence cautionné par des socialistes vexés de ne pas avoir été choisis par les militants!

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  2. @ Fouzia : Tu auras noté que j'ai fait un tour d'horizon des réactions positives, celles qui m'ont le plus interpellé, mais ce n'est pas non plus une revue de presse neutre et objective. Il y a encore beaucoup de gens à droite, au centre et même à gauche qui considèrent que Ségolène Royal n'a pas la carrure pour devenir Présidente de la République. Il faudra donc impérativement qu'elle consolide sa carrure internationale, ce qu'elle a l'intention de faire je crois, et sa crédibilité dans le domaine économique pour convaincre les sympathisants socialistes et les Français. Je pense qu'en revanche elle a une longueur d'avance sur l'écologie, la croissance verte, l'éducation, les questions sociétales et même la sécurité (le fameux ordre juste).

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  3. Tu sais, ce qui me fait sourire c'est "la carrure internationale". Ségolène est fort appréciée au Québec, au Maroc, en Afrique, au sein de l'internationale socialiste... J'ai un ami qui m'a dit qu'à New-York, il avait rencontré des personnes qui l'appréciaient, Martine est inconnue au bataillon tout comme Hollande! DSK n'est connu que par le FMI et entre nous c'est loin de donner des compétences pour intervenir dans tous les domaines, tels ceux que tu cites! Ségolène touche à tout: la santé, le travail, le soutien aux entreprises, la formation professionnelle, les transports, l'agriculture, l'écologie, la coopération internationale, la culture, le patrimoine architecturale, la musique... (compétences de la région et intérêt pour la réflexion au niveau national, européen et mondial).
    http://www.da-nancy.fr/content/discours-de-s%C3%A9gol%C3%A8ne-royal-%C3%A0-la-convention-sur-l%E2%80%99international-0

    http://www.da-nancy.fr/content/discours-de-new-york-25-septembre-2009

    http://www.da-nancy.fr/content/discours-dath%C3%A8nes-12-mai-2009

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  4. Il est certain que, DSK mis à part quand même, Ségolène Royal est la plus connue des socialistes en dehors de nos frontières. Elle a rencontré de nombreux dirigeants étrangers (Lula, Bachelet, etc) et sa voix porte. Mais, en toute objectivité, il faut reconnaître qu'il lui faut encore paufiner un peu cette "stature". Elle a fait quelques erreurs par le passé, notamment sur la "justice chinoise", qui ont pu la décridibiliser.

    En terme d'aura internationale, DSK a incontestablement fait ses preuves au FMI en cotoyant tous les plus grands chefs d'Etat de ce monde. Mais il a sans doute perdu par la même occasion ce lien direct avec le peuple français que Ségolène Royal, elle, a su cultiver...

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  5. Mathieu,

    Ségolène a fait plusieurs erreurs pendant la campagne de 2006-2007, je ne te le contesterai pas. Si tu as le temps de lire le livre de Menucci "Ma candidate", tu comprendras comme c'était compliquée cette campagne. Aujourd'hui, elle a gagné en expérience et a appris de ses erreurs mais elle doit rester vigilante parce que parler trop vite peut jouer des mauvais tours parfois et en campagne c'est l'hyper-exposition aux médias qui fragilise. Sarkozy a fait de nombreuses erreurs mais c'est passé comme une lettre à la poste, on n'a rien passé à Ségolène. Je pense que cela doit faire peur à Martine ces sollicitations multiples, d'où son manque d'envie...

    Nous sommes de plus en plus nombreux à être allergique au FMI, il faut entendre les associations et ONG dans les colloques de solidarité internationale!

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  6. J'adore cet article mais je veux dire une chose l'envie ne suffit pas pour gagner.
    Le contenu devient en ce temps de crise le plus important.
    Il sereait temps que Ségolène Royal donne son contenu car d'autres l'ont déjà fait.
    Le contenu et toujours le contenu, c'est ce qui manquait en 2006-2007.
    J'espère que cette fois, elle mettra du contenu car il y a un temps pour tout, les éclats dans les médias mais pour annoncer, expliquer, faire comprendre son programme.
    Oui il y a un temps pour tout.
    L'envie, le désir ne suffit pas.

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  7. @ Joseph : Merci Joseph pour ton commentaire. Ce billet, on est d'accord, est largement centré sur l'envie et la détermination de Royal. Mais cette envie et cette détermination seules ne suffiront pas à faire un programme. En 2012, il faudra impérativement que le PS propose aux Français un projet novateur, certes, mais surtout clair et crédible. Il ne suffira pas de faire des propositions, il faudra qu'elles soient réalisables. Et dans ce contexte économique, ça n'est pas gagné.

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  8. Très bon article ;)
    Hélène.

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  9. Flop Royal !

    Deux exemples à se mettre sous la langue :
    Qu’est-ce qui a pu pousser Fadella Amara qui n’est ni pute ni soumise à faire partie du gouvernement Fillon ?
    L’opportunisme ? Non… l’arrivisme ? Peut-être.
    Ce serait plutôt un défaut de composition… très haut niveau de prostitution qui consiste à ne pas vendre son corps mais à sous louer son âme…
    La voilà Kaput et casse-croute, avec ses contradictions dans ses valises, il ne lui reste plus qu’à prendre l’avion du Royal air baroque pour se remettre en état de navigation.
    Parce que Ségolène elle, est plus réelle que Royale… elle vient de faire un pied de nez à la rose schizo-parano en s’autoproclamant scélérate…. Je veux dire candidate à sa propre récession.
    Elle a perdu une fois… pourquoi pas deux ?

    http://www.tueursnet.com/index.php?journal=Royal

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