28 octobre 2010

Déchéance de la nationalité : la République bafouée !


Le mardi 12 octobre, le Parlement a adopté, par 294 voix contre 239, le projet de loi sur l'immigration qui met en oeuvre l'extension de la déchéance de nationalité réclamée par le président Nicolas Sarkozy. Cette mesure était auparavant réservée à des actes de terrorisme. Elle pourra désormais s'appliquer à un Français naturalisé depuis moins de dix ans et condamné pour le meurtre d'un policier, gendarme ou pompier.

Voici un projet de loi dont la proposition m’avait révolté au milieu de l’été et qui a été adopté par le Parlement dans la plus grande discrétion, noyé par l’amplitude du mouvement contre la réforme des retraites. C’est bien dommage, parce que cette loi méritait tout autant que l’on porte la contestation dans la rue pour exiger un « sursaut républicain ». Ce mini-sursaut a bien eu lieu le 4 septembre 2010, lorsque les ONG antiracistes françaises ont appelé les Français à manifester contre la mise en place de politiques dites « xénophobes » ou tendant à la xénophobie au sommet de l’Etat. Malheureusement, cette première manifestation n’a pas été suivie par d’autres mouvements de protestation. Les Français sont sans doute, et on peut le comprendre, plus attachés aux acquis sociaux qu’aux valeurs républicaines, les valeurs mêmes qui ont pourtant fait la grandeur de notre pays par le passé.

Les commentateurs et adversaires politiques ont rappelé à de nombreuses reprises, et à raison, que ce projet de loi était anticonstitutionnel. Voici ce que dit le 1er article de la Constitution de la République Française (du 4 octobre 1958) :

« [La France] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » 

Comment, dans ce contexte, peut-on accepter l'adoption d'une loi qui va à l’encontre des valeurs fondamentales de notre pacte républicain ? Distinguer les Français « de souche ou de longue date» et les Français « naturalisés depuis moins de dix ans », c’est créer deux catégories de citoyens. Les Français d’origine immigrée deviennent des citoyens de seconde zone. On ne leur assure pas l’égalité devant la loi en raison de leur origine. Cette distinction est tout simplement inacceptable. Une fois que l’on a traversé l’enfer administratif qu’est l’obtention de la nationalité française, on doit être soumis aux mêmes droits et devoirs. Comment exiger des nouveaux Français les mêmes devoirs si on leur refuse certains droits, l'égalité devant la loi étant un droit fondamental ?

Il y a bien sûr des sanctions très lourdes qui sont déjà prévues dans le cadre de la loi pour tout individu qui atteindrait à la vie d’un agent de l’Etat, mais ces peines doivent s’appliquer à tous les citoyens français, sans distinction d’origine.

Enfin, pour finir, ajoutons que l’argument de la droite qui consiste à dire que cette loi aurait une valeur dissuasive est totalement erroné. Tout le monde sait que le meurtre d’un agent de l’Etat, de surplus commis par un Français naturalisé depuis moins de dix ans, est un fait extrêmement rare et que cette loi ne s’appliquera que dans certaines circonstances exceptionnelles. Il est évident que l'extension de la déchéance de nationalité ne règle en rien le problème de l'insécurité. Il s'agit de "maquillage politique".

Cette loi n’est pas non plus sans paradoxes. Pourquoi n’inclure que le meurtre d’agents de l’Etat quand le crime d’un enfant ou de n’importe quel autre individu peut être considéré tout aussi grave ?

Il s’agit donc d’une loi ouvertement anticonstitutionnelle, tristement inefficace et paradoxalement mal équilibrée.

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