15 décembre 2010

Ascenseur social en panne !


Une douce utopie. Voilà ce qu’est pour l’instant l’égalité des chances dans notre pays.

Les mécanismes de la société française sont assez simples : un jeune blanc né dans une famille bourgeoise à Neuilly-sur-Seine a vingt fois plus de chances de mener une brillante carrière qu’un jeune d'origine maghrébine né dans une famille modeste en banlieue Lyonnaise.

Le problème est souvent moins lié aux origines ethniques ou culturelles qu’aux origines sociales ou géographiques. Un jeune arabo-musulman issu d’une famille aisée vivant à Paris aura logiquement plus de facilité à percer dans le monde du travail qu’un jeune blanc catholique issu d’une famille d’ouvriers pauvres en zone rurale. Pourquoi ? Parce qu’en France la réussite d’un jeune est principalement conditionnée par le milieu social où il a grandi, par les professions qu’exercent ses parents ainsi que leur capacité à solliciter leurs propres réseaux au moment où leur progéniture décide de s’insérer sur le marché du travail.

Fatalement, une grande partie de ces réseaux influents se concentre dans les centres villes des agglomérations importantes, là où évoluent, dans des cercles assez fermés, les classes supérieures et le haut des classes moyennes. Ces familles, rarement issues de la « diversité », essayent de maintenir leurs enfants à un niveau de vie au moins égal au leur. Elles les poussent donc à devenir ingénieurs, médecins, avocats, professeurs ou cadres. Les plus chanceux ont parfois la possibilité de monter leur propre entreprise avec les économies familiales.

A l’écart de ces cercles privilégiés, on trouve les autres catégories sociales, majoritaires malgré tout. Les classes moyennes inférieures poussent leurs enfants à faire des études, parfois coûteuses, mais n’ont pas toujours les réseaux nécessaires pour les aider à s’insérer professionnellement. Les classes populaires ont, quant à elles, souvent du mal à conduire leurs enfants jusqu’aux études supérieures.

Les classes sociales françaises se reproduisent donc entre elles, commes des castes, éternellement. Les riches essayent de rester riches et les pauvres ont bien du mal à ne pas rester pauvres. Il existe en effet peu de dynamiques transversales qui permettraient de créer des passerelles entre ces différents milieux sociaux pour voir émerger une certaine mixité sociale et par la même occasion une certaine mixité ethnique, les deux étant étroitement liés. Même l’université publique gratuite n’est plus qu’une illusion puisqu’elle conduit aujourd’hui les jeunes vers un chômage de masse. C’est toute une génération qui voulait croire en l’ascenseur social républicain qui se retrouve désenchantée.

Comment, dans ce contexte, sortir de ce cercle vicieux ? Comment, dans un pays où l’influence des réseaux est plus importante que la notion seule de mérite, garantir à tous les jeunes les mêmes chances de s’en sortir ?

Le sociologue Eric Keslassy et l’élue socialiste lyonnaise Najat Vallaud-Belkacem ont tenté de répondre à ces questions à travers un essai intitulé « Pluralité visible et égalité des opportunités » qu’ils viennent de rendre publique et qui est actuellement en téléchargement libre. Ce texte offre une analyse de la situation actuelle, analyse que je trouve très juste à titre personnel, et esquisse quelques solutions. Ces solutions, principalement tournées vers les difficultés rencontrées par les "minorités visibles", ne m’ont pas forcément paru révolutionnaires mais elles constituent une ébauche de pistes intéressantes à explorer.

Parmi elles, on peut noter la proposition d'affecter différement les professeurs afin que ceux "envoyés en ZEP ne soient plus les jeunes fonctionnaires qu'on envoit faire leurs classes". Le rapport propose également de "réaffirmer le rôle social des établissement scolaires en direction des familles en développant les aides scolaires". "Améliorer le rôle des conseillers d'orientation" qui doivent informer des différents parcours le plus tôt possible pour limiter les discriminations sociales. Instaurer un "repérage dès la seconde des élèves à potentiel dans les établissements prioritaires" en les aidant à intégrer une grande école. "Associer davantage les syndicats aux politiques de lutte contre les discriminations". "Conditionner un certain volume d’emplois aidés au recrutement dans les quartiers défavorisés". "Réformer les processus de désignation des candidats aux élections législatives pour donner une nouvelle vigueur à l’engagement politique des minorités visibles".

Ces quelques solutions peuvent sembler « cosmétiques » ou « chirurgicales » si l’on part du principe qu’elles ne permettront jamais bien sûr de créer une « égalité des chances absolue » au sein de la société français mais elles sont le témoignage d’une prise de conscience nécessaire qui doit maintenant être accompagnée de mesures volontaristes de la part des pouvoirs publics. D’ailleurs, de nombreuses associations et initiatives citoyennes œuvrent déjà à sortir nos quartiers populaires de la ghettoïsation.

Il est en tout cas certain que la question des banlieues sera au cœur de la prochaine bataille présidentielle. L’ascenseur social est bel et bien en panne dans notre pays et cela ne sert plus à rien d’appuyer frénétiquement sur la flèche du haut sans que rien ne se passe. Il faut impérativement qu'un vaste mouvement citoyen et républicain vienne réparer la machine.

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